Les objets créés sans fonction religieuse sont des reproductions. Il y en a beaucoup de sortes.
Les Portugais furent les premiers Européens à constater l'énorme talent artistique des Africains. Les premières reproductions connues étaient des belles statues en ivoire commandées aux Yorubas de la côte du Nigeria par les Portugais aux XVIe et XVIIe siècles.
A la fin du XIXe siècle, la bourgeoisie et les prospères amateurs d'art américains et européens ont commencé à se lasser des modèles éculés et répétés des impressionnistes et quelques artistes européens se sont intéressés aux objets africains qu'avaient rapportés les expéditions militaires, les colons et les missionnaires. L'intérêt du public pour " l'Art Africain" se développa progressivement au niveau esthétique sans grand souci d'authenticité.
A partir de la moitié du XXe siècle commença à se développer le tourisme en Afrique. Les voyageurs voulurent acheter les objets rituels des Africains mais les plus chargés religieusement n'étaient pas destinés à la vente. En vue de satisfaire une demande croissante, des ateliers artisanaux se mirent à proliférer où se multiplièrent les reproductions. Certains de ces artisans étaient médiocres, sans aucun talent. Mais il existait aussi des artistes authentiques qui ont créé de vrais chefs d'ouvre, parfois esthétiquement meilleurs que les originaux, capables de plaire à ceux qui apprécient avant tout la beauté.
L'expansion des grandes religions monothéistes et la modernité principalement dans les villes, on entraîné l'abandon progressif de leurs rituels par les Africains, qui se détachent des objets hérités de leurs ancêtres.
D'autre part, le nombre de marchands sans scrupules qui essaient de vendre des reproductions pour des objets authentiques a crû de manière exponentielle. La grande quantité de faux qui existent sur le marché a découragé beaucoup de collectionneurs débutants qui tentent d'acquérir seulement des objets rituels.
Cependant quelques groupes ethniques restent fidèles à leurs croyances et continuent de fabriquer des objets pour un usage rituel. Parfois en vue d'éviter que la cupidité des acheteurs européens interfère dans leurs cultes, ils ont remplacé les objets traditionnels faits principalement en bois et en métal par des grandes constructions de boue, de pierre ou de ciment.
Quelques gouvernements de pays africains favorisent la célébration de festivals grâce auxquels ils essayent de conserver des coutumes ancestrales. Et effectivement on danse avec des masques conçus uniquement dans ce but.
Si nous classifions les objets en fonction du but pour lequel ils ont été créés (rituel ou lucratif), esthétique (bien fait ou mal fait selon les critères occidentaux), utilisation (intense ou sporadique) et moment où ils ont quitté l'Afrique comme preuve irréfutable de l'âge, nous avons:
1. Objets d'utilité rituelle faits par de bons artistes, utilisés pendant longtemps en Afrique et sortis d'Afrique il y a bien longtemps. Si en outre ils ont appartenu à un artiste ou collectionneur célèbre, leur prix est habituellement élevé.
2. Objets d'utilité rituelle faits par de bons artistes, utilisés pendant longtemps en Afrique et sortis d'Afrique récemment. La manque de "pedigree" les fait moins valables que les antérieurs.
3. Objets d'utilité rituelle faits par de bons artistes, utilisés peu de temps en Afrique et sortis d'Afrique il y a bien longtemps. Manquant de marques d'utilisation évidentes, ils peuvent avoir l'aspect des reproductions.
4. Objets d'utilité rituelle faits par des artisans médiocres, utilisés pendant longtemps en Afrique et sortis d'Afrique il y a bien longtemps. Leur seul attrait est habituellement la patine et le "pedigree".
5. Des reproductions de modèles non traditionnels commandées par des colons il y a bien longtemps à de bons artistes, et sorties d'Afrique récemment. C'est le cas des oeuvres qu'on appelle "colons".
6. Objets d'utilité rituelle faits par de bons artistes, utilisés peu de temps en Afrique et sorties d'Afrique récemment. Il existe beaucoup de groupes ethniques qui conservent leurs coutumes et continuent à employer des objets rituels.
7. Objets d'utilité rituelle faits par des artistes médiocres, utilisés peu de temps en Afrique et sortis d'Afrique il y a bien longtemps. Leur valeur est principalement ethnologique. Sans pedigree et sans preuve de leur origine, ils sont peu appréciés.
8. Des reproductions faites par des artisans médiocres, qui sont restées longtemps en Afrique et sorties d'Afrique il y a bien longtemps. Acquises par des militaires en expédition, des colons et missionnaires non experts en matière d'art qui pouvaient les confondre avec des ouvres authentiques. D'autre part quelques militaires occidentaux vivant en Afrique ont donné à connaître le pouvoir des objets rituels qui conférait à leurs propriétaires africains la force de leurs ancêtres et la capacité de les unir contre leurs oppresseurs. Sans ces objets rituels les Africains étaient plus dociles, ce qui explique pourquoi ils leur ont été dérobés le plus souvent possible. Afin d'éviter l'extorsion, en mainte occasion, l'Africain allait remplacer sur les autels les objets authentiques pas des contrefaçons.
9. Des reproductions faites par des artisans médiocres, qui sont restées longtemps en Afrique et sorties d'Afrique récemment. Peut-être l'auteur était-il un mauvais marchand, ou peut -être a-t-il caché son ouvre, honteux qu'il était de sa gaucherie.
10. Objets d'utilité rituelle faits par des artistes médiocres, utilisés longtemps en Afrique et sortis d'Afrique récemment. Ils sont appréciés par les collectionneurs qui accordent plus de valeur à l'authenticité et l'usage qu'à la qualité esthétique.
11. Des reproductions faites par de bons artistes, sorties d'Afrique il y a bien longtemps. C'est le cas des ivoires Yorubas commandés par les Portugais aux XVIe et XVIIe siècles. Elles sont les reproductions les plus appréciées.
12. Des reproductions faites par de bons artistes, qui sont restées en Afrique assez de temps et sorties récemment d'Afrique. C'est le cas par exemple du travail fait dans l'école des artistes Lobi de Sikiré Kambité (1896-1963), auteur des statues et masques imitant le style Baoulé par ordre du Gouverneur français Henri Labouret. C'est aussi le cas du célèbre Syeni M. Karabenta, artiste de Koulikoro, une ville située à 60 kilomètres de Bamako au Mali. Il a reproduit principalement des terres cuites et ses travaux étaient parfois esthétiquement supérieurs à l'original. Un autre artiste bien connu, qui au début des années 60 a fait d'excellentes oeuvres d'art en bois était Birama, dit Brien, de Ségou au Mali.
13. Des reproductions faites récemment par des artisans médiocres, et qui sont sortis d'Afrique depuis peu. Elles ont habituellement peu de valeur. On les connaît comme "art d'aéroport".
14. Des reproductions faites par de bons artistes, utilisées dans les festivals, grâce auxquelles quelques gouvernements africains, parfois avec l'aide de l'UNESCO, tentent d'éviter que les coutumes héréditaires finissent par se perdre. Egalement des reproductions faites par de bons artistes pour être utilisées dans des spectacles pour les touristes.
15. Des objets d'usage rituel faits par des artisans médiocres, peu utilisés, et qui sont sortis d'Afrique récemment. Ils sont appréciés par quelques experts capables de les distinguer des reproductions récentes. Ils évaluent leur authenticité plus que l'usage, l'antiquité et l'esthétique.
Selon le point de vue le plus eurocentriste, quand un artiste
européen du XXe siècle peint ce qu'il a vu dans une sculpture
africaine, il s'inspire de l'homme primitif pour marquer une étape dans
l'évolution de l'art.
En contrepartie, quand l'Africain taille une reproduction comme celle de droite en suivant les canons esthétiques de ses prédécesseurs ou en innovant, il est un falsificateur. |
© José Francisco Ortega Viota.
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